Entre chute du nombre d’emplois agricoles, précarité des revenus, et la nécessité d’une transition vers une production alimentaire moins dépendante du pétrole, l’agriculture wallonne fait aujourd’hui face à de nombreux enjeux. A l’autre bout de la chaîne, la prise de conscience de ces enjeux et de la nécessité de soutenir l’agriculture locale s’organise progressivement avec pour mission principale de repenser durablement et équitablement notre système de distribution alimentaire.

Une multitude de visions coexistent, et donc tout autant de solutions possibles. Selon l’IEW, la production agricole wallonne est aujourd’hui essentiellement valorisée dans les circuits commerciaux traditionnels, avec peu de plus-value pour les producteurs. Ces derniers ne parviennent pas encore à tirer profit de leurs productions de qualité, notamment biologique, et cela malgré la demande croissante pour ce type de produits.

Notre agriculture bénéficie d’un potentiel considérable à exploiter dans la mise en valeur de ses productions, démontré notamment par l’engouement récent de la grande distribution pour les produits bio et/ou locaux, avec une offre de plus en plus importante dans les rayons des grandes et moyennes surfaces. Ces distributeurs s’engouffrent dans la brèche ouverte par les systèmes de distribution alternatifs tels que les groupes d’achat alimentaires (ou groupes d’achats communs), qui ne touchent pour l’instant qu’une infime minorité de consommateurs. De l’achat groupé de paniers chez le producteur au développement des premiers supermarchés coopératifs, voici un portrait synthétique de ces voies alternatives d’approvisionnements basé sur le référencement réalisé par l’asbl Barricade (lire l’article)

  • Groupes d’Achats Alimentaires: ces groupes rassemblent des consommateurs dans le but d’acheter ensemble leurs produits alimentaires directement chez le producteur. Différentes formules existent (GAC, GASAP, AMAP…) mais partagent un même principe : l’engagement solidaire entre le producteur et les « mangeurs », ces derniers partageant la responsabilité et les risques (mauvais temps…) avec le(s) producteur(s). Autogérés par les membres, ces groupes s’occupent de la collecte et de la livraison des paniers aux différents participants. Il existe actuellement plus d’une quarantaine de groupes d’achat sur la province, la plupart étant affiliés à l’Inter-GAC de Liège basé au Centre Liégeois du Beau-Mur.

 

  •  Plateformes de commande en ligne: ces plateformes, à l’image de la Coopérative Ardente (https://www.lacooperativeardente.be/), ou de Point Ferme (https://www.pointferme.be/), toutes deux coopératives à finalité sociale, se distinguent par le choix des producteurs selon des critères géographiques, éthiques ou encore écologiques, offrant un service de livraison à domicile ou en point retrait. L’autogestion pratiquée par les groupes de consommateurs est remplacée ici par une gestion ‘classique’ tenue par des salariés. De manière plus commerciale et lucrative, des sociétés anonymes telles que eFarmz, se sont lancées dans la distribution en ligne de produits bio et/ou locaux.

 

  • Supermarchés coopératifs et participatifs : ces supermarchés d’un nouveau type fonctionnent selon le modèle développé à la Park Slope Food Coop, dans le quartier de Brooklyn (https://www.foodcoop.com/). Le système consiste à donner trois facettes complémentaires aux clients qui sont à la fois consommateurs (acheteurs), coopérateurs (copropriétaires de l’entreprise) et travailleurs (chacun offre 3h de son temps par mois au supermarché). L’instauration de ce modèle original permet de diminuer les coûts afin de proposer des produits à prix réduits aux clients tout en rémunérant équitablement les producteurs. Ces supermarchés sont également des vecteurs de sensibilisation des citoyens, chacun mettant en avant une vision spécifique de la distribution alimentaire alternative.

En Wallonie, plusieurs projets de ce type ont déjà vu le jour : BeesCoop à Bruxelles , CoopEco  à Charleroi ou encore Färm , la première chaîne belge de supermarchés coopératifs (premier magasin wallon à Louvain la Neuve en mai 2017). Dans ce dernier cas, la participation des coopérateurs est facultative, et il ne s’agit pas d’une coopérative agréée ou à finalité sociale (le respect des principes coopératifs y est donc également facultatif).

Sur Liège, une dynamique récente inspirée de ces modèles se développe autour de la création du premier supermarché collaboratif de la région. Ce projet, porté par Rachel Delcour, se focalise en priorité sur l’aspect sensibilisation et éducation du grand public. L’objectif est de rendre les produits bio et locaux accessibles à tous, d’un point de vue économique mais aussi culturel (inscrivez-vous pour la prochaine réunion) .

  •  Magasins bio et/ou locaux: les magasins de produits bio et/ou locaux constituent la dernière alternative à la grande distribution. Chacun possède sa particularité, sa propre vision de l’agriculture et ses propres valeurs. Si le mode de gestion de ces magasins reste classique, ils se distinguent par leurs méthodes d’approvisionnement auprès de producteurs choisis en fonction de l’idéologie propre au magasin.

La Ceinture Aliment-Terre Liégeoise a choisi de participer en 2016 à la création du magasin  Les Petits Producteurs, qui se transformera bientôt en coopérative à finalité sociale. Nous voyons dans ce projet un outil cohérent et durable afin de lutter contre la pénurie de producteurs locaux. En effet, la création de cette coopérative de magasins s’articule parfaitement avec notre priorité : offrir aux producteurs des débouchés commerciaux rémunérateurs, et prélever la marge la plus raisonnable possible au bénéfice des consommateurs. Ceci est rendu possible par le choix de proposer une gamme réduite de produits, pour la plupart proposés en vrac, par des aménagements peu coûteux, et par un recours aussi minime que possible aux grossistes. Par ailleurs, et contrairement aux magasins collaboratifs qui sont centrés sur les consommateurs, la future coopérative aura pour finalité de réinvestir la majorité de ses bénéfices dans le renforcement des structures de production alimentaire locale.

On peut espérer que l’évolution des modes de production agro-alimentaires (vers plus de durabilité) bénéficiera de la coexistence et de co-évolution de ces différents modèles de distribution, adaptés à la diversité de nos modes de vie, de nos attentes et de nos besoins. En tant qu’acteurs du développement d’une filière de l’alimentation durable à Liège, il va de soi que nous privilégierons des distributeurs qui mettent l’accent sur l’essor d’une production locale et raisonnée.