Dans le cadre de la journée Alimentation Saine pour Tous du Plan de Cohésion Sociale de la Ville de Liège, Antoine Lagneau a apporté sa vision de ce que devrait être l’agriculture urbaine. Liège semble suivre cette voie et la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise prône effectivement pour le développement d’une agriculture low-tech, qui considère le territoire dans son ensemble et qui est inclusive dans ses réalisations urbaines.

Voici les grandes lignes de son intervention du mardi 21/05-

– Quels sont les points communs à l’agriculture urbaine entre les villes malgré les différences de territoire (certaines métropoles étant très contraintes au niveau des productions agricoles) ?

– A-t-ont eu raison d’appeler ce type de développement vert « agriculture urbaine »?

Antoine Lagneau s’inquiète de ce que proposent certaines métropoles, aux orientations de leurs politiques en particulier de la philosophie qui sous-tend ces développements.

D’où vient-on ? L’agriculture urbaine existe depuis très longtemps, elle remonte en effet aux temps des sumériens il y plus de 3000 ans et continue à exister dans de nombreuses villes de pays «  en développement ».

Cependant elle s’est retirée totalement dans les Années 60 des villes occidentales avec le boom de l’agriculture productiviste et les objectifs politiques des villes qui l’ont fait reculer dans la péri-urbanité.

Son retour a été impulsé dans les année 70 à New York où la crise économique a entrainé le développement de grandes friches urbaines.  Une poignée d’habitants emmenée par une artiste, Liz Christy, investit ces faubourgs paupérisés pour les transformer en lieu d’agora et de maraîchage. L’adhésion populaire est forte et donnera lieu aux mouvements de « Green guérilla » ou « gerilla gardenning ».

En France, le mouvement s’étend lui aussi avec la Charte « mains vertes » à Paris ou l’on passe de 5 jardins partagés début 2000 à plus de 150 aujourd’hui.

Au niveau global, la crise économique de 2008 fait ressortir la volonté d’une production alimentaire locale à grande échelle, c’est l’envolée de l’agriculture urbaine dont les incroyables comestibles (Royaume Uni) ont été précurseurs.

Un acteur majeur va alors faire prendre un tournant au développement de l’agriculture urbaine: la politique locale s’empare de cette problématique et va lui donner un essor considérable.

Ainsi aux élection communales de la Ville de Paris en 2014, les 3 candidats principaux portent des projets en lien avec son développement. L’agriculture urbaine va par-là donc s’institutionnaliser.

(et cela va donner des idées à d’autres communes : cf. « Arcueil ville comestible »)

La maire de Paris Annne Hidalgo dans son projet « végétalisons Paris » a l’ambition de développer 100 ha de culture sur toits dont 30ha de cultures comestibles d’ici la fin de sa mandature (mise à disposition du foncier sur les toits car peu de possibilité de pleine terre à Paris). Au jour d’aujourd’hui ce sont 15 ha qui ont été développés donc il est peu probable que l’objectif de 30ha soit atteint d’ici deux ans.

Inconvénient: cette forme d’agriculture qui privilégie le High Tech (informatique/capteurs) ne rend pas service à l’agriculture au sens large = la ville autonome pose un vrai problème.

C’est une vraie problématique si l’on se pose la question de réellement nourrir ses habitants. Ce type d’agriculture fonctionne peut-être pour la salade d’un sandwich mais une véritable politique alimentaire devrait avoir plus de sens et ne pas passer par des dispositifs techniques compliqués. Opter pour une politique High Tech peut faussement indiquer que l’on est capable de produire en grande quantité de manière « technologique » (sur les toits, en sous-sol, dans des caissons, etc…) tout en détournant l’attention du fait que l’on continue à artificialiser les terres (cf Roicy avec le projet Europacity) extrêmement riches. L’exemple d’Auchan qui sponsorise le développement de tel projets immobiliers en réalisant une ferme urbaine sur le toit de ses hypermarchés est par là totalement cynique. Des startups comme Agricool Fraises () sont l’exemple même de ces développements hors-sol high-tech (culture de fraises dans des containers de 35m2 sous leds). Les fondateurs viennent de lever 25 millions d’euros et ont maintenant 70 employés

L’affichage qui est donné par la Ville de Paris à ses projets verts est donc vu comme ambigu. Il est important de considérer le regard des agriculteurs sur des expositions comme « Paris Capital Agricole »

Antoine Lagneau fustige les méfaits de l’autonomie alimentaire comme prônés par certains Villes « high-tech » ce qui reviendrait à tomber dans l’erreur d’une ville « démiurge ».  La métropole est au sein d’un territoire et il essentiel de le prendre en compte lorsque l’on parle d’agriculture urbaine

C’est une erreur d’évoquer le fait que pour développer une autonomie alimentaire on puisse se tourner vers l’agriculture technologique il faut calibrer ce que l’on peut faire en onction des limites de la ville – pour Singapour c’est légitime vu la situation géographique de la ville et risque géopolitiques mais dans nos pays il n’est pas nécessaire de développer une agriculture urbaine hors-sol et connectée.

Ainsi le Projet de Romainville tour maraichère le fait « frissonner »

Ce n’est pas l’avenir de l’agriculture urbaine – fait plutôt penser à « seul sur mars »

Antoine Lagneau cite aussi l’exemple de PlantLAB  (https://www.plantlab.com/ ) aux Pays Bas, cette société va jusqu’à dire «  les plantes n’aiment pas la nature » poussent sous led dans un milieu aseptisé : danger de tomber dans ce travers !

Il est important de faire une pause et de s’interroger sur ce que doit être l’agriculture urbaine.  

Pour Antoine Lagneau il est important de ne pas assigner à agriculture urbaine des objectifs de productivité. Le rôle social est très important et devrait être la valeur intrinsèque de tels projets. Exemple du bailleur social la Ferme des 5 ponts à Nantes.

Une autre nécessité de l’agriculture urbaine est qu’elle a besoin d’être animé ! Les projets citoyens sur la durée risquent de péricliter car il est très difficile de maintenir vivant un collectif. Ce besoin d’encadrement doit être pris en charge par la ville elle-même.

L’exemple de Grande Synthe est très riche en ce sens.  C’est un des objectifs majeurs pour mettre en place une politique au ambitieuse. La ville a subi de grands flux migratoires et 30% de sa population vit en dessous des minimas sociaux. La ville a offert des lopins de terre pour des locations en jardins individuels – Cela a permis de rétablir une certaine « fierté » des habitants et facilité l’insertion.

La pollution est un problème mais Grande Synthe a choisi de prendre en compte le temps long, avec la phytoremédiation (dépollution par les plantes) il faut 5-10 ans pour cela et passer par des solutions intermédiaires (bacs).

Antoine Lagneau plaide pour que les pelouses des villes ne soient pas destinées à être des crottoirs pour chien mais plutôt des jardins potagers. Il souligne l’intérêt de projets comme les fermes urbaines pour le lien social, des universités populaires et des ateliers pour accompagner les habitants mais aussi des développements comme ceux de Creafarm à Liège et l’installation de régies agricoles (« très bonne idée ») et de légumeries. Les citoyens devraient avoir le droit de choisir leur alimentation. C’est une carte à jouer pour les politiques.

A lire l’étude publiée par l’asbl Barricade en suivant ce lien.