Le journaliste de RTC-Télé Liège Alain Wagener a consacré un reportage télévisé au lancement de la Ceinture aliment-terre liégeoise. Il y est également revenu dans un article sur son blog, où il détaille les interventions des invités inspirants de la soirée du 5 novembre : Peter Volz, venu présenter l’initiative fribourgeoise Die Agronauten (Allemagne), Victor Massip et Laurent Lebot (Faltazi) venus présenter le projet Ekovores (Nantes, France), et Markéta Braine-Supkova, présidente de l’International Urban Food Network (IUFN).

Pour information, ces interventions ont été filmées, et elles seront publiées sur ce site web une fois le montage réalisé. Nous en profitons pour remercier, pour les reportages photo et vidéo bénévoles, Maud Dan et François Poncelet.

Nous tenons également à souligner l’importance de la contribution de Mélodie Peters et Charline Steemans, étudiantes en scénographie à l’École supérieure des arts Saint-Luc, qui ont entièrement conçu et réalisé les magnifiques luminaires d’inspiration maraîchère dans ce grand espace de la Caserne Fonck.

Ci-après la traduction du reportage que Peter Volz, chercheur au sein de l’organisation fribourgeoise Die Agronauten, a ramené de son périple à Liège, les 5 et 6 novembre, à l’occasion des événements de lancement de la Ceinture aliment-terre liégeoise.

6-11-Forum_ouvert-CATL

Intelligence collective et transformation sociale à Liège, par Peter Volz, DIE AGRONAUTEN, peter.volz@agronauten.net, Nov. 2013

Ce qui s’est passé à Liège, Belgique, les 5 et 6 novembre 2013 constitue un bel exemple que ce qui est en train d’émerger un peu partout en Europe actuellement : des initiatives citoyennes visant à changer le système alimentaire à une échelle locale. Le cas de Liège, brièvement documenté ici, est un exemple inspirant de citoyens et d’initiatives locales se rassemblant de manière créative, motivée et constructive pour provoquer une transformation par la base (bottom-up). La participation est la clé, avec des acteurs provenant de strates sociales très diverses, par exemple des agriculteurs et des consommateurs. Le rôle du design dans ce processus est de la plus haute importance, tant au niveau de la scénographie que du dispositif de facilitation et du contenu. Les activités culturelles ne sont pas périphériques, mais partie intégrante du processus.

Les deux journées d’activités « Ceinture aliment-terre » ont débuté avec un événement dans l’ancien « Manège de Cavalerie » de Liège, très joliment scénographié pour l’occasion. Deux étudiantes en Art (NdT : de l’Ecole supérieure des arts Saint-Luc) avaient transformé ce lieu gigantesque en véritable espace artistique dédié à l’alimentation. Des cageots à légumes ont été assemblés pour former une grande sculpture au milieu d’un cercle de chaises. Le hall était par ailleurs équipé de tables de discussion pouvant accueillir une dizaine de personnes. Ces tables étaient illuminées par des lustres décorés de légumes, chaque table se voyant assigner un type de légume spécifique. Ces tables étaient connectées aux tableaux d’information qui indiquaient le sujet en débat à la table potiron, à la table poireau, etc. Mais nous y reviendrons plus loin.

5-11_soiree_lancement_CATL

Le premier soir à la Caserne, l’événement de mobilisation destiné au grand public a été animé par Daniel Wathelet et Vincent Wattelet, qui ont tous deux des expériences intéressantes en matière de projets locaux dans le domaine de l’alimentation et en matière artistique. En concordance avec le thème de la soirée, ils étaient habillés en jardiniers.

Christian Jonet a ensuite présenté le projet de la coalition « Ceinture aliment-terre », qui rassemble depuis deux ans de nombreuses activités menées dans la région en rapport avec les différents aspects d’une alimentation locale soutenable. Un projet qui a récemment obtenu le soutien financier du gouvernement régional et qui résulte de l’implication ou du soutien (à des degrés variés) d’une cinquantaine d’initiatives et organisations déjà engagée dans la problématique. Il s’agit de fermiers, d’intermédiaires de l’alimentation, de restaurateurs, de coopératives, de « consom-acteurs » ainsi que d’acteurs de l’éducation, de la recherche, d’ONG comme Barricade et, surtout, du mouvement des villes en transition. Cet événement a permis d’élargir plus encore la portée du projet et avait pour objectif clairement énoncé la création d’un réseau varié mais cohérent pour Liège et sa région. Christian a également mis l’accent sur la volonté de préserver une dynamique démocratique et d’éviter une institutionnalisation centralisatrice.

Cette introduction fut suivie de la présentation de trois expériences européennes par des intervenants invités :

  • La société coopérative citoyenne « Regionalwert AG » de Fribourg en Allemagne comme exemple d’un mouvement citoyen déjà en place et qui promeut une économie alimentaire locale et soutenable.

  • L’International Urban Food Network, récemment fondé à Paris.

  • L’initiative d’éco-design « Faltazi/Les Ekovores » de Bretagne, en France, qui put présenter ses solutions pour les systèmes urbains d’alimentation.

Alternative theatre

Ces présentations furent suivies d’une série de trois scénettes théâtrales [NdT : élaborées et mises en scène par Alternative théâtre] entrecoupées d’interactions entre le public et les invités intervenants. Les pièces mettaient en scène des problématiques comme l’accès à la terre ou au marché, les défis des petits exploitants face aux pressions du marché, les économies d’échelles et la distribution. Je ne fus pas surpris d’apprendre que certains comédiens avaient une expérience professionnelle dans le domaine de l’agriculture. Voilà qui en dit long sur les nouvelles alliances d’acteurs qui s’impliquent désormais dans la transformation des systèmes alimentaires : des locavores, des artistes, des scientifiques, des activistes d’ONG et toutes sortes de personnes engagées dans la production alimentaire.

La salle était comble, avec environ 400 personnes en provenance d’horizons très variés. L’enthousiasme et la motivation étaient palpables pendant toute l’activité et au delà, lorsque j’ai eu l’occasion de socialiser au bar, avec des bières belges biologiques.

5-11_soiree_lancement_CATL2

Mais ce n’était là qu’un début…

Le jour suivant, le cercle de chaise entourant la structure centrale a accueilli près de 150 participants, principalement des personnes impliquées dans des initiatives locales visant à transformer le système alimentaire local. Pour structurer le processus participatif et aboutir à des résultats concrets, des techniques d’intelligence collective (telles qu’un Forum ouvert et un Café du monde) ont été utilisées.

Tout a commencé par une introduction des deux animateurs Daniel et Vincent, qui ont expliqué les principes de fonctionnement du Forum ouvert. Ensuite, des thèmes de réflexion en lien avec le sujet furent proposés par les participants. Les discussions thématiques se sont tenues aux tables décorées de légumes qui ont chacune accueilli successivement deux sujets de discussion tels que la finance participative, la logistique régionale, l’offre locale de viande ou les problèmes rencontrés par les agriculteurs. À la fin des échanges, une synthèse était mise en forme et rendue publique.

Au terme de cette première partie de la journée, une collation collective fut organisée.

Après le repas, le cercle s’est à nouveau rassemblé ; cette fois pour des activités plus orientées vers l’action, faisant suite aux ateliers de réflexion du matin. Des pistes concrètes d’actions ont en effet été élaborées et proposées dans de nouveaux groupes de réflexion. Elles ont été affichées sur un tableau à la fin de l’activité. Différents groupes de travail thématiques se sont constitués au sein réseau pour avancer sur les questions qui ont émergé du processus, par exemple le groupe de travail sur la finance participative. Dans les six mois à venir, ces groupes développeront des solutions et les présenteront lors d’un prochain événement. Je suivrai ce processus pour voir les progrès de cet effort collectif. Cet événement est clairement un tournant pour le mouvement citoyen agricole à Liège !

Le processus a pris un temps certain mais s’est révélé être un véritable exercice d’intelligence collective. Les objectifs étaient clairement annoncés et le processus bien défini, mais les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs ont émergé du procédé ont principalement émergé de la dynamique collective. Le caractère convivial de la ville de Liège n’y est probablement pas pour rien.

En quittant Liège en train, je fus habité du sentiment que l’architecture de la gare ne serait pas le seul design futuriste qui façonnerait l’avenir de cette ville.

Le texte original, Collective Intelligence and Social Transformation in Liège, est téléchargeable ici.

La traduction a été réalisée par par Cyrille Delvaux et Christian Jonet.

Crédit photographique: Maud Dan