Le collectif CréaSSA (60 organisations dont la CATL) travaille depuis maintenant 3 ans afin de remettre l’alimentation au cœur du débat démocratique. C’est pourquoi il lance dès à présent et jusqu’aux élections régionales du 9 juin une grande campagne de communication autour de la mise en place de la sécurité sociale de l’alimentation.

De nombreux acteurs et actrices de la transition alimentaire se sont réunies pour lancer cette campagne à Bruxelles ce 19 février 2024.

Jonathan Peuch de Fian – coordinateur de CreaSSA- rappelle le principe même de la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation « A chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins ». L’ambition à terme est de créer une nouvelle branche de la sécurité sociale Dans les grandes lignes il s’agit de proposer à tout un chacun un certain montant par mois (150 euros) qui serve à acheter des produits alimentaires essentiellement locaux et produits dans des conditions économiques et sociales justes. Les modalités de fonctionnement ont été délibérées pendant de nombreuses rencontres ces dernières années et si des propositions ont été élaborées, c’est plutôt sur le principe que souhaite appuyer le collectif dont les quatre axes : Précarité, Production et Distribution, Santé, Démocratie.

Plusieurs intervenants se sont passés le micro, dont Jean-Pascal Labille de la mutuelle Solidaris – qui rappelle que l’alimentation est l’un des déterminants non médicaux de la santé et souligne la nécessité de créer de la solidarité structurelle en s’inspirant de la sécurité sociale : une cotisation à la mesure des moyens via une caisse spécifique (en prélevant les entreprises/les travailleurs/ les pouvoirs publics) tout en permettant aux agriculteurs de vivre dignement. 12% des belges déclarent consommer le ratio recommandé des 5 fruits et légumes par jour. Labille souligne ainsi que c’est le rôle de l’état de réguler et la SSA apparaît comme une alternative progressiste et crédible qui est à la fois démocratique écologiste et sociale. Pour ceux qui brandirait l’obstacle de son coût il rappel alors que la malnutrition coûte 4,5 milliards à l’assurance maladie. Il conclue de manière assez optimiste « Y croire c’est avoir quasi gagné ».

Nadia Cornejo de Greenpeace souligne qu’on mange 2-3 fois par jour ce qui fait de notre alimentation un droit fondamental. Mais nous n’y avons pas toutes et tous accès de la même manière car nous ne choisissons pas ce qui se retrouve dans nos supermarchés. Ce sont en effet quelques groupes qui accaparent les filières de la transformation et la distribution alimentaire donnant l’illusion d’un choix au consommateur. La SSA permettra de choisir ensemble les produits que l’on souhaite référencer.

Thimoté Collin du réseau des Gasap souligne que l’on peut toucher aussi un public précarisé que sont les producteurs – ils ne se reconnaissent eux même pas dans le public qu’ils atteignent habituellement (public des catégories aisées). Il rappelle que les acteurs sociaux se mettent déjà en marche et avec peu d’argent on peut donner accès à beaucoup d’alimentation : ainsi pour 15 000 euros cela permet de se procurer 3 tonnes de légumes ! Par ailleurs, la question du prix juste est finalement très compliquée au stade actuel car nous sommes dans une économie de marché et s’il n’est pas possible de vendre 5 euros 1 kg de carottes alors le producteur n’aura pas son prix juste. La SSA permettra ainsi aux producteurs de répondre à une demande dans avoir à sacrifier leur propre rentabilité.

Céline Nieuwenhuis, de la Fédération Des Services Sociaux souligne qu’au vue des inégalités croissantes (la concertation pour l’aide alimentaire constate que la situation est assez dramatique – plus de bénévoles ni assez de produits) la SSA est une expérimentation très intéressante et très importante – alimentation et santé étant intrinsèquement liées – il est aussi encore plus important pour les publics précaires. Par ailleurs faire le lien avec une agriculture respectueuse de la Planète est une urgence absolue, il faut rappeler que précarité sociale et environnementales sont reliées. Cependant il existe un « tiraillement » à la Fdss : au vu du travail que cela demande à mettre en place et le fait que si toute la population reçoit 150 euros on provoquerait une pénurie dans les magasins locaux. Par ailleurs il serait dangereux de remplacer l’aide alimentaire car on peut acheter proportionnellement plus en quantité. Par ailleurs la SSA semble plus « top down » que « bottom up » à ce stade et le contexte politique n’est pas favorable à élargir la sécurité sociale. Il serait intéressant de débattre avec les circuits conventionnels tels que Comeos et de s’accorder sur des objectifs intermédiaires : alimentation saine dans les écoles bonnes pour la santé et de prendre en compte les plus fragiles pour les propositions (« tout doit partir d’une famille monoparentale précaire »).  

Rapport d’évaluation du projet pilote de la BEES coop

Pendant un an, à Schaerbeek, 67 personnes bénéficiaires du CPAS ont reçu une allocation de 150 euros par mois pour effectuer leurs courses à la BEES coop. Le témoignage très émouvant de Mariel souligne que les participants sont tous ravis et aimeraient que le projet continue, le fait d’avoir le choix est essentiel (sortir des invendus de l’aide alimentaire) et le montant alloué a permis d’économiser sur le poste alimentation et financer d’autres achats (vêtements, vélo, etc.) Certains des participants ont pu tisser des liens, sortir de dépression et le fait de réaliser des shifts en magasin est vu de manière très positive. La spécificité de l’expérimentation réside dans la proposition d’accompagnement des publics via des ateliers : lecture d’étiquettes, parcours de la tomate de la graine à l’assiette, etc.

Les résultats du rapport d’évaluation sont consultables sur ce lien .

Les conclusions encourageantes du projet doivent servir de tremplin pour généraliser et encourager le développement de projets de sécurité sociale de l’alimentation lors de la prochaine législature. C’est pourquoi, face à l’ampleur de la crise sociale et écologique qui touche le secteur de l’alimentation, le CréaSSA invite à partager cette campagne au plus grand nombre. A noter que d’autres expérimentations de cet ordre ont eu lieu en France où a germé le mouvement initial qui a inspiré le collectif CréaSSA (voir ce lien) et auront lieu en Belgique, notamment à L’ULB dont 70 étudiant·es bénéficieront d’un montant à dépenser dans la cantine As Bean asbl.

En conclusion, la CATL souhaite relayer cette campagne largement et proposera un temps d’échange le jeudi 18 avril sur le Village « Nourrir le débat » au Sart Tilman lors du festival Nourrir Liège avant le grand débat politique. Par ailleurs un des groupes de travail du Conseil de Politique Alimentaire de Liège Métropole porte aussi cette revendication qui s’exprime dans le Mémorandum du CPA à paraitre sous peu. Enfin, un projet d’expérimentation de la SSA à Liège est en cours d’élaboration.

Plus d’infos : info@catl.be